samedi 27 février 2016

Au rythme des atolls

 

Au rythme des atolls polynésiens...

 

Départ pour l'archipel des Tuamutu perlées de près de 77 atolls dont la plupart vierges de toute présence humaine. L'archipel s'étirent du nord-ouest au sud-est sur environ 2000 km entre les îles de la société et les îles des Marquises jusqu'à l'archipel des Gambiers. Nous aborderons deux atolls emblématiques, Rangiroa puis Tikehau.

Après 1h30  de vol et une escale à Bora-Bora, les ocelles blancs et verts sur bleu azur apparaissent à travers les hublots. Rangiroa est le plus vaste atoll de Polynésie et le deuxième au monde. Son lagon pourrait contenir l'île de Tahiti. Ces atolls constituent la dernière phase géologique des anciens volcans marins formant les îles hautes, le volcan centré dans le lagon a disparu entièrement sous les eaux, ne subsistent que les barrières de corail et les "motus" de leur ceinture extérieure. Celui de Rangiroa ressemble à une goutte d'eau, celui de Tikehau a un œil .
 

Ici tout est horizontalité ; les lignes de fuite s'aplatissent à l'unisson de l'horizon. Les chapelets de motus, perles vertes et blanches , s'égrènent en un collier imparfait ourlant le lagon bleu azur.  Même les vols des fous de Bassans, sternes et frégates semblent suivre le plan parallèle.  Aucun obstacle terrestre n'accroche le grain en formation, dont le passage est éphémère. Le soleil accable à midi et réchauffe au-delà. La luxuriance des jardins tropicaux se raréfie en quelques espèces végétales capables d'affronter la permanence des embruns et la rareté de l'eau douce. A ces latitudes, la platitude renforce l'isolement insulaire, la terre appartient aux nuages et l'homme à la mer…
Mais ici, la verticalité se mérite; il faut s'immerger, s'impliquer, s'enfouir dans les ténèbres des tombants sous-marins du Pacifique ou dans la profondeur du ciel étoilé de l'hémisphère sud. 
Sinon ici, subsiste l'ultime nécessité de s'abandonner à la  douceur ouatée des alizés, allongé !


Sur Rangiroa, l'ensemble de la population se concentre au nord de l'atoll sur une bande de 13 km comprise entre les passes de Tiputa et d'Avatoru ; on y trouve également l'aérodrome. Le reste des quelques 90 km est le refuge de quelques ermites… Les ressources en eau proviennent de l'eau de pluie et des capacités de stockage individuelles associées à la captation d'eau de la faible nappe phréatique par des puits. L'énergie électrique est fournie par des groupes électrogènes alimentés en gasoil, un quiproquo écologique?

Vues sur le lagon



Balade à vélo, moyen de transport adéquat et adapté à l'indolence des lieux
 
 
Passage non navigable entre lagon et océan
qui permet une circulation et un renouvellement des eaux intérieures du lagon.
Cocoteraie

Le coprah, une des rares source de revenu des habitants
 
 
Recherche de coquillage sur la laisse de mer; on assiste médusé au ballet des grands dauphins communs qui sautent de plusieurs mètres au dessus des vagues de la passe de Tiputa.
 
 

couchers de soleil au milieu du pacifique


Photos de bords d'eaux



 
La journée est consacrée à la plongée avec le Yaka Club dans la passe de Tiputa; en fonction de la journée, le courant est soit entrant soit sortant et permet allégrement de varier les différentes plongées. Démarrant par un tombant de 50m côté océan, bercé par le courant nous pénétrons dans le cône d'accélération du chenal pour remonter sur un platier, progressant d'un visuel de "gros"- requins gris, requin marteau, requin tigre, requin pointe noir, requin pointe blanche, raies mantas, raies léopard, napoléon, tortues jusqu'au plus petits, murènes, poissons pierre, bancs de barracuda et de bécunes, … et du corail en profusion…
 
 
L
a deuxième plongée dérivante par fort courant sera tout aussi prolifique. Une des plus belle plongée qu'il m'ait été donnée de faire...


Excursion jusqu'à l'île des récifs sud. L'accès au récif nécessite la traversée du lagon soit 1h sur un poti marara, un bâteau de pêche transformé pilotée par une barre franche située à l'avant, le bâteau tahitien de référence. Cette technique a été introduite par les combattants tahitiens de la première guerre mondiale suite à leur observations dans le but d'améliorer leur pratique de pêche aux poissons volants (marara). Après avoir croisé la navire de croisière "le Gauguin" qui mouille dans le lagon pour 2 jours, l'étrave effilée du poti marara lacère la houle de sud-est, poussée à un moteur de 200cv, bringuebalant et arrosant par intermittence les touristes que nous sommes. A mi-parcours la terre nord s'est effacée dans l'océan et la terre sud n'apparait pas encore : le lagon est une mer intérieure.


Sur le bâteau nous sommes douze d'horizons différents : un couple d’anglais, autonome et un peu à l'écart, une japonaise d'osaka, souriante et concernée, un couple de Tahitien de Faa,a en vacances pour 5 jours, lui douanier et elle vendeuse de perle noire de Tahiti, un couple de franco-tahitien de Fréjus lui métropolitain, elle tahitienne,  d'une soixantaine d'année à la retraite et leur amie tahitienne , drôle, enjouées, toujours la chanson à la bouche et la danse au corps-les animateurs de la journées-puis un couple  marseillais à la retraite.

 

  L'arrivée sur le motu couvert de cocotiers est splendide, toutes les couleurs pastels oscillent autour des plages de sable ourlée de blanc et de rosé. Le vert clair du lagon s'exfiltre en vert turquoise puis émeraude suivant la profondeur et la couleur du sable. Un canal d'eau de mer non navigable , hoa, telle une rivière translucide baignée de coraux et de bénitiers relie le lagon et l'océan. Une pause randonnée aquatique s'impose; sur le banc de corail blanc, notre guide prépare la noix de coco et une collation de bénitier au citron.  



 

 





Motu signifie rêve perdu . Suivant la légende, un pêcheur assiste chaque jour au coucher du soleil dans l'océan; un jour, il décide de poursuivre le soleil…



 


Remontant le cours de la rivière, du lagon vers l'océan, nous rejoignons une anomalie géologique : un récif corallien émergeant de plus de 2 m au-dessus des eaux. En effet, lors de la formation des Marquises, le mouvement des plaques tectoniques auraient créé un mouvement de terrain ayant surélevé la barrière de corail sur près de 80 km sur la côte sud de Rangiroa.
 
 
 
Une forêt minérale blanchie par l'air salin, ciselée comme de la dentelle, acérée comme le fil d'un rasoir se détache  du ciel azuré sur une bande d'une trentaine de mètre formant rempart contre l'océan; des canaux tels des capillaires de sang bleu pastel irriguent sa base, formant ici  et là des vasques turquoises dans un décor idyllique où nous trouvons refuge pour un bain de fraîcheur.
 





Passage difficile ?

 
Après quelques plongeons, nous traversons en marchant, l'eau à la taille, le lagon sur 400 m , les vêtements et autres objets surmontent sur nos têtes… un peuple de nomades des mers.
 

Sur le motu, deux cabanes sommaires en bois, un réservoir d'eau, une tonnelle abritant les tables sont baignés par les odeur du feu de bois; du sol blanc, sablonneux, émergent des cocotiers, bois de fer, frangipanier et autres arbustes donnant à l'ensemble un air de robinson Crusoé. Sur la grève, une trentaine de requins pointe noir s'entrecroisent frénétiquement comme une horde de chien, la veille de l'ouverture de la chasse. Du pain au coco cuit dans la braise, des filets de poisson grillent sur le dessus; sur la table, riz et mais, poulet, salade tahitienne, gâteau au coco… un délice.



 
L'après-midi se poursuit par un atelier vannerie avec fabrication de sacs et de chapeaux en feuille de cocotier au son de la musique tahitienne entrecoupée d'histoires drôles contées par les plus anciens de la tablée .

 
 
Nous reprenons la mer pour une heure de traversée retour où nous attend la découverte de l'aquarium, un jardin de coraux jouxtant un îlot de sable en sortie de la passe de Tiputa. Le nom n'est pas usurpé… A l'horizon ouest, le soleil décline lorsque nos deux guides entame une prestation vocale accompagnée d'une guitare et d'un ukulélé ; tous les passagers se mettent au rythme de la mélopée … sous la conduite de Moétu et Dolorès qui nous traduisent les paroles et dont le répertoire parait intarissable.  Une très bonne journée sous le mantra du pacifique "la vie est belle", life is good..

 

Voilà,!!! Io orana, maruuru…
 
Départ pour l'atoll de Tikehau.
 
 
Tikéhau est un atoll situé à, à peine 15km de Rangiroa de forme quasi circulaire dont le motu puarua aux oiseaux pointé au nord-est fournit une pupille blanche désaxée à l'œil du lagon. Ses côtes bleutées arrosent de larges bandes de sable blanc et rose coincées entre l'océan, le lagon et un soleil brûlant. La principale aire de vie, le motu tuherahera au sud, s'étire sur seulement 4km et abritent moins de 500 habitants et l'aérodrome.
 



Déjà une dizaine de pêcheur à la traine ou au lancer font face au courant de la passe. L'un d'entre-eux extirpe deux bec de canne que sa fille s'empresse de mettre dans une glacière en polystyrène blanc.
 


Je décide de partir plein est, en canoë, à contre houle; au bout d'une heure, le ciel se teinte de gris; un grain est en formation. Je me rapproche prudemment de la côte lorsqu'une pluie intense, chaude et cinglante s'abat avec violence sur la peau comme des aiguilles émoussées. Les couleurs se tassent dans une mêlée de gris bleu…


 
Un cargo apponte à la jetée de la marina livrant bimensuellement son fret. Les restes d'une ancienne hutte perlière, surnage sur ses pilotis plantés légèrement en oblique dans la surface émeraude, fantôme blanchi par les sels marins et les rayons solaires. Elle offre au regard son unique point d'accroche.

Du tour de l'île en vélo  : toutes les personnes que nous croisons nous saluent d'un geste amical.
 
Notre pension...
 
...sur la plage où frétillent des requins pointes noires assez craintifs
 
 

 Puits d'eau douce parfois saumâtre suivant les marées
Protection d'un poste électrique

 

 
 

 


Après le petit déjeuner , départ pour la passe de Tuheiava pour 2 plongées le long du tombant et de la passe ; des requins gris de près de 3m passent furtivement à 5m en contre bas , deux requins pointes blanche tout élancés reposent sur le fond sablonneux, 3 requins de récif blancs, massifs, nous toisent par leur nage chaloupée et se mettent à jouer avec la pelote de la bouée, une raie manta ingurgite du plancton , des poissons napoléon, des bancs de bécunes, des volumes de carangues à gros yeux, des murènes javanaises, des poissons lion, des idoles maure, des poissons papillons, des chirurgiens, des balistes , bleux, picasso, titan… des perches pagaies, tapissent avec densité le fonds corallien . L'un des endroit les plus poissonneux de Polynésie, propos rapportés par JY Cousteau lui-même.

 
 
 





 

Après un repos compensateur, nous enfourchons les vélos pour un  nouveau tour de l'îlot. Nous prenons plaisir, au crépuscule, à parcourir en maillot de bain les chemins sous les cocotiers au son des io ora na des habitants que nous croisons. Une pensée nous traverse l'esprit : la reprise sera dure, très dure… Au-delà de l'activité professionnelle, après ces mois passés en extérieur, c'est la certitude de réimposer l'enfermement urbain et hivernal à nos corps qui nous semble insurmontable.




A bicyclette ...
 




 



 
La soirée s'achève aux sons de chansons tahitiennes attisées par un ukulélé endiablé. Cousins, oncles et neveux de la patronne de la pension forment un quatuor musical de Tikéhau.

 

La température affichait 29°c. Durant la nuit, un violent orage s'est abattu sur Tikéhau. La pluie crépita sur la toiture en feuilles de palmes tressées tandis que des bourrasques rageuses s'engouffrèrent par la baie vitrée ouverte  du bungalow de bois posé sur pilotis.  Le rideau claqua à répétition sous la violence des assauts du vent, balayant l'étuve d'une fraicheur bienfaitrice; sans bouger, nous nous sommes renfoncés dans le sommeil.

 

Les premières lueurs de l'aube saluent la chevauchée en kayak de mer vers la marina. A l'issue, nous embarquons pour une exploration de l'île en bâteau. Sa circonférence avoisine les 70km et même si une marche par le platier extérieur permet d'en effectuer le tour jusqu'à la passe, la voie maritime parait la plus indiquée.

 
Au pied des vestiges d'une ancienne ferme perlière détruite par les cyclones de l'année 1983, les raies manta affectionnent les patates de corail où sévissent les labres nettoyeurs. Elles s'en servent de station de nettoyage afin de supprimer les parasites qui se collent sous leur espace ventral… malheureusement nous ne les verrons pas… Après une demie heure de navigation tape-cul, nous abordons un paysage de brochure d'agence de voyage, l'archétype polynésien. Ce qui frappe en premier lieu ce sont d'abord le silence et les couleurs taillées dans un nuancier de pastel. Puis, on cherche du regard une trace de présence humaine.  Comme une évidence, un abri est aménagée à l'ombre des cocotiers et les restes d'un piège à poissons émergent de l'eau.

 
Repas motu!

 





Chaque motu a son propriétaire… toutefois, si cette terre n'est pas vierge, elle n'en constitue pas moins un espace reculé et préservé. Pendant que serge notre guide prépare le barbecue, nous pénétrons ce territoire inconnu comme les premiers explorateurs, le cœur et l'esprit ouverts,  éblouis par la beauté sauvage, naturelle du Hoa, ce canal d'eau de mer cristalline non navigable reliant l'océan au lagon le long des sables roses.  Le temps semble n'avoir pas la même emprise. Au menu perche grillée du jour, salade de poisson crus, poulet grillé… Sous un soleil de plomb, une bière dans la piscine naturelle s'impose accompagnée de la chair d'un bénitier arrosé d'un filet de citron vert...





 
 
 
Lave vaisselle polynésien... poissons nettoyeurs



 
Quiétude et sérénité
 
Dernière balade de ce mois polynésiens
 

 
 
Le siège de la chefferie...




 
 
 
 
Nos mémoires s'impriment de cette dernière journée en Polynésie française…
Ce mois s'est écoulé comme le sable du sablier… au rythme des atolls.
Apaisant et magique.




Mes coups de coeur

  • Le mollet galbé d'une femme sur talon haut

Mes livres

  • Eloge de la lucidité, Ilios KOTSOU
  • J'abandonne, Philippe CLAUDEL
  • La formule de Dieu, José Rodrigues dos SAntos
  • Le sens du combat, Michel HOUELLEBECQ
  • Ma cabane en Sibérie, Sylvain Tesson
  • Regards sur le bonheur, François GAGOL
  • Rester vivant, Michel Houellebecq
  • Vers la sobriété heureuse, Pierre RABHI

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