La polynésie française
Un retour de 27 ans en
arrière, au début de l'année 1988; j'effectuai alors une partie de mon service militaire
à Tahiti et sur l'atoll de Mururoa. A l'époque après mes études et avant
d'entamer une vie active et familiale, je me rappelle d'une parenthèse , hors de tout, sans contraintes, sans contingences, à
faire du sport, nager, lire et écrire au sein d'une autre culture et dans des lieux isolés et
paradisiaques… Notre périple s'est certainement nourrit partiellement de cette
madeleine de Proust.
La culture
polynésienne s'étend au sein d'un triangle formé par la Nouvelle Zélande, Hawaï et l'ïle de Pâques. Elle constitue avec la Mélanésie et la Micronésie le peuplement autochtone des îles du Pacifique. Dans ce triangle, la Polynésie française se compose de 5
archipels espacées sur une surface équivalente à l'Europe, du sud au nord, les Australes, les Gambiers, les iles de la société,
les Tuamutu et les Marquises. Notre parcours nous amènera à la découverte de 3
de ces archipels suivant 3 étapes d'une dizaine de jours chacune, les Marquises, Les îles de la société et les Tuamutu.
La Polynésie, entre autre, assure à la France le deuxième rang mondial en matière de surfaces maritimes, légèrement derrière les Etats-Unis... une ressource pour l'avenir?
La Polynésie, entre autre, assure à la France le deuxième rang mondial en matière de surfaces maritimes, légèrement derrière les Etats-Unis... une ressource pour l'avenir?
Arrivée à l'aéroport
de FA'A Tahiti ; il est 22h et la chaleur, humide, nous assomme à la descente de l'avion ; le contraste avec la température de la cabine pressurisée est
saisissant.
Accueil tahitien ... un cliché, pas seulement
TAHITI
Pour ces 3 premiers jours en Polynésie française, nous sommes hébergés à l' hôtel international. Par son positionnement et ses installations, l'hôtel est conforme à son standing. Jouxtant le lagon , ses chambres s'intègrent dans une végétation tropicale avec une vue plein ouest sur l'île de Moréa. Deux piscines dont l'une avec un bassin de natation et l'autre avec un fond de sable blanc rivalisent avec le lagorium, bassin d'eau de mer et de poissons tropicaux.
Nous retrouvons avec plaisir la conduite à droite, la langue francophone et le franc pacifique.
Une Tahitienne déjà dans la chambre ?
Vue sur Moréa au lever du jour
Un petit coin de paradis qui s'extrait de la seule route côtière où se concentrent véhicules, habitations et commerces
Le parfum des fleurs de frangipaniers embaume le pas du marcheur
La piscine en bord de lagon Culture de pieds de vanille
Afin de profiter
pleinement des journée et de leur ensoleillement , nous décalons nos habitudes
quotidiennes avec un lever vers 6h00 pour une course à pied matinale. Déjà,
l'activité humaine entrent en effervescence tandis que les voitures, scooters
et bus déroulent sur le ruban côtier.
Nous empruntons le
bus local pour nous rendre à Papeete. Une première impression domine : le
polynésien est majoritaire en nombre là où Nouméa se montrait plus cosmopolite. La ville s'étale autour d'une large baie.
Son port commercial est récent et des travaux de création d'un rond-point
perturbe la fluidité de la circulation. Notre visite nous entraine à la
découverte du marché couvert de Papeete tout en couleur et en sourires : légumes
et fleurs locaux, produits artisanaux, poissons frais, ornent les étals. Les
fleurs de Tiare parent les cheveux noir de jais , laissés libres ou remontés en
chignon, des tahitiennes, jeunes et anciennes.
Notre déambulation nous porte au bâtiment de type néocolonial siège de la mairie situé au milieu d'un petit parc. Les colonnades blanches, le toit rouge rehaussé d'une tourelle, l'ascenseur moderne aux moulures en boiseries placé dans l'axe d'un escalier monumental, la salle des mariages confortent le sentiment d'exotisme que nous avions projeté. Les rues sont animées sans toutefois oppresser le visiteur. La population est plutôt jeune et comme partout est accrochée à son téléphone portable et ses écouteurs. Le tatouage s'affiche sur tous les corps. Le tatouage est un art culturel ; nous nous arrêtons à la boutique de Manu. Son travail est fin et précis. Chaque production est originale. Malheureusement l'emploi du temps des 4 tatoueurs est chargé… dommage.
La cathédrale est fermée mais sous un soleil de plomb, nous profitons d'un peu d'ombre providentielle pour faire une pause déjeuner sur l'herbe. La salade tahitienne, poisson mariné et légumes frais au lait de coco embrase nos papilles. Sa fraîcheur est une félicité.
Faré
Couronnes de fleurs...
La perle noire est l'un des fleurons touristique de la Polynésie française ; c'est le deuxième pôle économique de l'archipel après le tourisme. Le musée de la perle de Robert Wan adossé à un magasin de vente en offre une lecture très intéressante toute à la fois technique, historique et sociologique. Il retrace l'histoire de la perle ou plutôt des perles blanches et noires à travers les âges et les différentes cultures notamment ottomane et américaine.
La perle est une nacre. Elle est fabriquée soit naturellement soit de manière artificielle par des coquillages "perliers" en réponse à l'introduction d'un corps étranger dans le manteau ou l'organe mâle de l'huître perlière. Il existe une dizaine d'espèces de coquillages perliers.
La qualité de la perle s'apprécie au regard de critères tels que la taille, la couleur, la forme, l'éclat ( lustre et orient )...
Robert Wan est le précurseur qui a permis l'essor de cette industrie en Polynésie. Il a été le premier à se rendre au Japon et à en ramener l'expertise en terme de greffe.
Le nucléus, corps étranger sphérique, provient de coquillages américains utilisés dans l'ancienne industrie de production de boutons en nacre dont l'économie s'est effondrée avec l'avènement des matières plastiques.
Le nucléus, corps étranger sphérique, provient de coquillages américains utilisés dans l'ancienne industrie de production de boutons en nacre dont l'économie s'est effondrée avec l'avènement des matières plastiques.
Dans les vitrines, les prix des bijoux varient de 70€ à 150.000 € pour un collier de perles noires de qualité AAA et de tailles supérieures à 18mm.
Dans une huitre géante, la plus grosse perle au monde…
Dans une huitre géante, la plus grosse perle au monde…
Costume traditionnel du "deuilleur" lors des cérémonies funéraires, en perles et nacres
Au retour de ce premier bain urbanisé après 10 jours d'isolement marquisiens, nus profitons des installations et d'un premier cocktail au rhum, au bar piscine... retour à la civilisation.
Le soleil s'éteint paisiblement dans l'océan.
25 ans de mariage... et le rêve tahitien... devenu réalité
L'île de Tahiti,
volcanique, ressemble à un huit, axé nord-sud, dont l'un des deux cercle
affiche une taille plus réduite que l'autre, l'un est urbanisé, l'autre plus
inaccessible, l'absence d'une route côtière
en préserve la virginité. Ils sont reliés par un isthme étroit ouvrant à 180° sur le lagon; son centre montagneux souvent noyé dans une
mer de nuages culmine le mont Orohena à 2241m. Sept vallées étroites telles des
saignées verdoyantes s'en échappent jusqu'à la frange côtière. La côte ouest
est protégée par un lagon corallien. C'est ce qu'on appelle une île haute en terme de formation géologique.
En voiture de location, les transports en
communs ne le permettant pas aisément, nous entamons un tour extérieur de l'île
par sa route littorale, d'ouest en est. Comme de coutume dans nos voyages, nous explorons le musée
principal de Polynésie situé à Puna Auia. Nous recalons nos balises
géographiques, revisitons le processus de formations géologiques des îles,
toutes volcaniques, décryptons le climat polynésien
baigné par les alizés et l'impact de la nina et d'el nino, détaillons la
faune et la flore tant terrestre que maritime, plongeons dans la colonisation
polynésienne et européenne, revisitons l'histoire des grands explorateurs,
Wallis, Cook, Bougainville, Vancouver… nous nous imprégnons de la culture polynésienne, des
méthodes de pêche, de chasse, de cueillette et de culture, de la construction
des habitats et du corps social, des rites religieux, des arts premiers et de
leur outils… bref, nous nous immergeons.
La matière en gros plan... une vahiné
Quelques échantillons de productions artistiques avec des matériaux locaux... les longs cheveux tressés en font parti
Arrêt aux vestiges archéologiques de Taata : le Marae temple sacré, fait face à la mer et se compose de 3 bâtiments révélant une histoire architecturale et sociale, complexe et évolutive.

Soubassement de pierres, les superstructures bois n'ont pas résister au temps...
Fleurs de bananiers, plante d'ananas et fleurs en pince de crabe
route côtière
Pagodes du Japon
L'arbre du voyageur... tout un symbole
Sur le trajet, nous faisons halte à Maraa où des grottes d'eau douce creusent la base des falaises basaltiques dans une végétation luxuriante et exotique. La fraicheur de l'eau filtrée de ces lacs semi souterrains sonne comme un appel ; l'eau goutte de la voute sur la surface étale dans un tintement de xylophone. De l'intérieur, la perspective renvoie à une bouche entrouverte...
Le jardin botanique d'Atéa ornée de sa cascade est un écrin végétal et floral; il concentre une variété extraordinaire de plantes et de fleurs exotiques aux noms tellement évocateurs : les pinces de crabes, les pagodes du Japons, les papyrus égyptiens, …




Nous atteignons Teahupoo . La route bitumée s'arrête et se poursuit, au-delà d'une passerelle métallique, par une sente piétonnière à peine visible. Seuls des bateaux taxi permettent de poursuivre plus avant vers le sud. En effet, un avis municipal n'autorise la randonnée qu'après accord du maire, accompagné d'un guide.
A la barrière de corail, à une centaine de mètres, les vagues produisent un rouleau de près de 5 à 8 m qui s'écrase avec fracas sur les brisants. C'est l'un des spots de surf les plus renommé et l'un des plus dangereux au monde… on en pressent toute la puissance. Seuls les meilleurs s'y frottent.
A la barrière de corail, à une centaine de mètres, les vagues produisent un rouleau de près de 5 à 8 m qui s'écrase avec fracas sur les brisants. C'est l'un des spots de surf les plus renommé et l'un des plus dangereux au monde… on en pressent toute la puissance. Seuls les meilleurs s'y frottent.
Sur la plage, dans le lagon et l'estuaire de la rivière, des enfants rient à gorges chaudes arrosés par les éclaboussures de leurs jeux aquatiques. Une barque à moteur accoste : la collecte des bénitiers a été prolifique et comblera l'appétit familial du repas dominical.
Remontant sur sa partie est, du sud au nord, nous stoppons au trou du souffleur, une curiosité géologique surprenante. Les coulées de lave originelle ont formé, dans leur refroidissement brutal au contact de l'eau de mer, des tubes creux ( lavotube) qu'emprunte violemment le ressac, comme lors de la compression d'une seringue, pour expulser l'air et l'eau en aérosol de manière violente par deux évents horizontaux dans un vacarme détonnant.
A proximité, la gorge étroite s'enfile jusqu'à 3 cascades; la route est coupée à mi-parcours par une chaîne; n couple déjeune paisiblement. Les stigmates encore présents d'une montée rapide et dévastatrice du cours d'eau témoignent de la violence du phénomène : maisons éventrées, route défoncée, troncs d'arbres et végétations arrachées. Nous ne pourrons aller plus loin.
Nous achevons cette fin d'après-midi sur la pointe de Vénus, plage de sable noir avec vue panoramique sur Moréa et sur les plus hauts sommets de l'île, dégagés à cette heure. Des pirogue multicolores à balancier, posée sur pilotis, trônent dans les eaux calmes de l'anse protégée par le relief corallien.
Seigneur des lieux, le seul phare de Tahiti domine la petite péninsule. Le sable noir s'accroche finement aux pieds humides. De petits rouleaux viennent mourir sur la grève offrant une zone privilégiée d'apprentissage du surf. Les gamins ne s'y trompent pas qui renvoient inlassablement leurs planches à la recherche opiniâtre de la vague du jour dans une frénésie toute juvénile. On les envie…
Cette baie de Maravaie a été rendue célèbre par l'histoire des révoltés du Bounty , célèbre mutinerie de l'histoire maritime magnifiée notamment par le cinéma hollywoodien . C'est ici même en effet que les mutins menés par Christian Fletcher débarquèrent à la fin du XIIIème siècle. Un autre explorateur britannique Miles y a également mouillé quelques années auparavant; dans son souhait de ramener des plants d'arbre à pain pour les colonies britanniques, il connut des déboires différents, l'échange avec les tribus ayant été houleux et l'échouage partiel de son navire le Dolphin n'y étant pas étranger.
La traversée de Papeete de nuit offre un autre point de vue sur la ville. Lumineuse en son centre, près du port, la faiblesse de l'éclairage public rend les autres quartiers plus opaques. Apponté, un majestueux 4 mâts illumine sa mature qui s'impose à l'obscurité.
.
Devant un tazaki de thon jaune, nous assistons à une soirée spectacle de danses polynésiennes, notamment le célèbre Tamure, avec ses vahinés au déhanchement légendaire, et ses "tané" avec leurs mouvements saccadés des genoux. La femme est mise en valeur ; c'est elle qui donne le rythme envoutant au spectacle colorant l'ensemble d'une touche de sérénité. Cela tranche radicalement avec les traditions maoris plus masculines, plus guerrières. Au sein de la population polynésienne, on rencontre souvent des "raéraés" des hommes efféminés et maniérés dont l'intégration dans le corps social polynésien s'affiche comme un symbole de tolérance. L'oralité précise que par tradition le premier enfant devait être élevé comme une fille afin d'aider la mère à s'occuper des grandes fratries...
La pose après le spectacle
Alors que Mimi part
à Papeete pour compléter sa bibliothèque avant le départ sur des îles
plus lointaines, je reste pour achever
le blog de NZ. L'après-midi est consacrée à la baignade en piscine , bronzage
et lecture.
Nous en profitons
pour nourrir les poissons du lagonarium, les pieds dans l'aquarium!
Repas gastronomique au restaurant le Lotus: entrée chaude poêlée de fois gras et chutney , ragout de langoustine, duo en croute d'espadon et thon, mahi mahi sauce wasabi et son clafoutis de courge, crêpe soufflée et duo de chocolats, ; le tout inauguré par un mojito et arrosé d'un Crozes hermitage blanc 2011... Le plaisir des sens...
Ces 3 premiers jours sur Tahiti marquent notre entrée dans notre exploration polynésienne; considérée comme le centre politique et économique de la Polynésie, c'est une île souvent négligée mais qui regorgent d'atouts et de surprises.. mais que nous n'avons pas entièrement explorée.
Les Marquises
Départ pour les
marquises. Le repas gastronomique de la veille au soir a pesé toute la nuit sur
l'estomac. Lorsque le réveil s'ébroue à 4h50, le corps n'a pas récupéré et
l'esprit reste embrumé. A peine le temps d'attraper un café à la volée que le
taxi nous dépose à l'aéroport. Dans la salle d'embarquement, les formalités
d'enregistrement effectuées, une mauricienne de 84 ans nous interpelle. Mère de
15 enfants et elle-même issue d'une famille de 15 frères été sœurs, elle
retourne sur Huku Iva, l'île principale des Marquises et 3ème par sa taille, de
Polynésie. Elle retourne sur son île après 6 mois passés à Tahiti en famille.
Un double chapeau tressé et des colliers de coquillages orne son visage souriant et amical. Le transfert par beechcraft bimoteurs à hélices de 19 places renforce l'impression d'exotisme...
Le séjour aux Marquises nous emmènera sur deux îles emblématiques : Hiva Oa et Nuku Hiva, les capitales des groupe sud et groupe nord ( l'archipel compte 6 îles habitées et 6 non habitées divisée en un groupe nord et un groupe sud)..
Arrivée à Hiva Oa
Les îles de Marquises ne possèdent pas de lagons; isolées, situées à plus de 1500km de Papeete, ses pics volcaniques basaltiques plongent directement dans l'océan. L'activité touristique peut être décrite comme confidentielle : à peine 10.000 touristes annuels dont la moitié sont amenés par les paquebots de croisières et en incluant les visites familiales inter-îles! Un havre de quiétude et de paix à la beauté sauvage ??
La famille de la
chambre d'hôte où nous logeons nous accueille à l'aéroport ; le couple de
propriétaires, des personnes âgées, clé de voute de la famille, revenant de
Tahiti, partageait le même avion. Un début de tonsure recouvre le crane blanchi
de la vieille femme; elle combat depuis 9 mois un triple cancer à coups de
chimiothérapie délivrées à l'hôpital de Papeete. Ses petits-enfants l'étreignent
tendrement. Après 13 km d'une route sinueuse serpentant le long des parois
escarpées, nous arrivons dans notre pension; la chambre sommaire mais propre
ouvre sur une terrasse dominant la "baie des traîtres" percée par le rocher
d'Hanakee.
Baie d'Atuona
La commune d'Atuona se love en arc de cercle autour de sa plage de sable noir. Sur le côté nord, les 1200m d'altitude du mont Atui accroche le regard et les nuages; ses pentes vives forment des arêtes acérées couvertes de forêts abritant banyans, manguiers, arbre à pains et hibiscus… A l'est, les cimes embrumées d'un cirque ferme l'arrière-plan et agrège le village à l'océan. En ce dimanche de janvier, les rues sont désertes; seul, de temps en temps, un véhicule de type 4x4 pick-up vient animer le centre -ville. La poste reconnaissable à ses couleurs vives jaune et bleue jouxte la mairie et le gendarmerie. Des panneaux d'affichage public servent de support de communication.
La gendarmerie au même titre que l'armée symbolise la présence de l'Etat français.
Une ondée tropicale s'abat soudainement dans la baie; la pluie tombe à grosses gouttes. Nous nous réfugions sous le auvent de la mairie. Les plaques bétonnées composant le revêtement des routes réceptionnent l'eau de ruissellement lui cédant au passage une partie de leur chaleur accumulée par l'exposition prolongée aux rayons du soleil. Le contact des pieds, chaussés de tong, nous le confirme.
Profitant d'une accalmie relative, nous rebroussons chemin jusqu'à notre chambre. Le ciel gris enveloppe la baie, l'humidité s'insère à la chaleur en sudation extrême. Dans cette torpeur tropicale où les ailes du ventilateur arrachent du plafond un peu de brise, au rythme répétitif de leur rotation, je m'enfonce dans une sieste rituelle.
caramboles
A notre réveil, le vent a chassé les nuages, des jeunes marquisiens crient au contact des rouleaux formées par une forte houle, le soleil brille de nouveau. En passant vers la gendarmerie dont l'effectif se compose de 2 "métros" et de 2 locaux-mixité des équipes oblige-nous virons à droite du monument aux morts des deux grandes guerres pour gravir le chemin jusqu'au cimetière du calvaire; les noms de deux villageois, soldats tombés au champs d'honneur, sont gravés dans la plaque de marbre.
Le parfum des tiarés et yang-yang rivalisent avec celui des frangipaniers puis se mêlent aux senteurs âcres des mangues, fruits de l'arbre à pain, goyaves, papayes qui pourrissent lentement au sol ; soudain, le relent pestilentiel d'un cadavre d'animal en décomposition -volatile écrasé sur le béton- agresse l'odorat heureusement vite balayé par l'alizé dominant du sud-est : sous ces latitudes, les odeurs ont aussi leur exotisme; l'odorat est un sens souvent délaissé dans l'immersion touristique.
Le cimetière est posé sur un surplomb basaltique et domine la baie. Des croix peintes en blanc émergent de la végétation ; on se demande qui, du jardin ou du cimetière, aura le dernier mot.
Sur la première ligne de sépultures, encadré par des palmiers , la tombe de Jacques Brel apparaît en toute simplicité. Un pourtour horizontal de pierre volcanique noir encadre un rectangle de terre dont un tiers de sa longueur est recouvert de galets blanc et des fleurs sauvages.
Une dalle de pierre sert de fronton où une inscription dorée sur une plaque noire indique Jacques Brel 8-4-1929 / 9-10-1978. Une plaque gravée de son profil et de celui de sa compagne Maddy apporte une touche plus personnelle.
Sur le côté gauche, un monticule de galets sont les supports de messages d'admirateurs.
Anecdote transmise par un fils de marquisiens ayant travaillé pour Brel. Se sachant malade, Brel aurait choisi de fuir la pression médiatique à la recherche de sérénité… il atterrit aux marquises sur l'île de Nuku Hiva, à l'aéroport déjà 150 personnes l'attendent… la goutte d'eau est dépassée lorsqu'un petit mauricien lui déclame " bonjour monsieur Jacques"… Il décide de faire une tentative sur Hiva Oa; à l'arrivée sur l'île, seulement le maire et son épouse… puis en allant à la poste au bout de 15 jours de séjours, le préposé lui demande sa carte d'identité pour retirer son courrier…
il y finira sa vie.
Deux rangées plus loin, la tombe plus massive de Gauguin expose sa stèle en roche volcanique noire et tuf rouge. Sur un galet central, Gauguin 1903. A l'arrière la statue d'OVIRI... une reproduction.
Ce que la stèle de Brel affiche en végétal, l'autre l'affirme en minéral.
Du peintre maudit au grand jacques ; deux destins, deux même choix : finir leur existence en ce lieu isolé, au plus proche de la nature et de sa simplicité rustique, Hiva Oa , Aotuna.
De retour au centre du village, le Maere entièrement rénové est magnifique avec sa couverture en palmes séchées et ses poteaux sculptés; c'est un lieu de rencontre et de rassemblement notamment lors des festivals biannuels des îles Marquises... le dernier a eu lieu en décembre 2015 à Hiva OA ; ce sera un sujet de conversation permanente avec les marquisiens. A proximité, le centre artisanal est fermé.
Toile en feuille de pandanus
Les ruches ... chaque marquisien produit du miel, principalement pour sa consommation personnelle
Apaisement de fin d'après-midi
Des cris d'enfants nous attirent à la rivière; là des jeunes de 8 à 25 ans s'ébattent dans l'eau de la rivière et engagent une compétition improvisée de sauts dans une de ses vasques. Nous parlons avec un marquisien puis avec un français originaire de Saint-Priest établi et marié depuis à une marquisienne.
De la joie et des jeux ...
La fin d'après-midi s'achève sur la terrasse face à la symphonie du ressac.
Notre rythme s'abaisse peu à peu ...
Echange avec
la marquisienne qui effectue le nettoyage des chambres . Mimi lui demande comment elle sait s'il
va pleuvoir; en souriant, elle lui répond, pleine de bon sens : quand le ciel est gris !!!
Fenêtres ouvertes,
les alizés frais et la pavane du ressac bercent nos sommeils. Une pluie
diluvienne s'abat au milieu de la nuit sur les toits de tôles en concert de
percussions.
En arrière plan, le cirque , ancienne caldeira,
au premier plan, une annexe de la poste en jaune et bleu...
Nous rencontrons Humu, un marquisien que nous décidons de prendre pour guide à la découverte de son île . Avec ses longs cheveux noirs légèrement ondulés liés par un "tapa", (matière traditionnelle, entre tissu et papier, servant dans la confection de vêtements ou pour l'écriture confectionnés à partir de l'écorce de l'arbre à pain ou des muriers-papier) et avec ses tatouages coutumiers et son teint hâlé, il symbolise le marquisien... mais pas que...
Après une marche de 8km dans une étuve tropicale, nous atteignons le plus grand site archéologique de Polynésie par la taille , "le machu pichu polynésien" : Upeke commune de Taa,O.
Si les vestiges ne représentent, à l'œil du néophyte que nous sommes, que les soubassements des constructions de bois et palme aujourd'hui disparues, ils donnent un aperçu du nombre de clans dans la vallée soit près de 12000 personnes ; de nos jours ,l'île en compte au total 2500. La population marquisienne serait passées en moins de 200 ans à cause de l'impact des maladies importées par l'homme blanc, rougeole, peste, et les guerres, d'une estimation de 120000 à seulement 2000… Encore de nos jours , la peur d'une exomaladie est férocement ancrée dans l'esprit des natifs ; la présence d'un seul médecin sur l'île confirme l'isolement de l'archipel.
vue du ruban côtier, pas si plat que cela!
Papayers et orchidées
Eglise du village de Taa,O,
80% de la population marquisienne est catholique...
un vaste sujet de discorde avec les jeunes générations
Nous visitons
l'église; une diacre sonne les 12 coups de midi à la cloche. A notre
questionnement lui demandant si elle s'astreint à faire cela tous les jours, elle me répond : c'est l'année
de la miséricorde, je le fais tous les jours à midi… mais parfois... j'oublie
précise t'elle en souriant. Nous demandons le trajet pour le site
archéologique.
L'année de la miséricorde
Bénitier local
Présence d'un PAHU, tambour marquissien et d'un tronc d'église. Il représente avec la flûte nasale et la conque les 3 instruments de base de la musique traditionnelle marquisienne
Dure la montée avant d'atteindre le fond de vallée ?
Chemin faisant...
Panneaux explicatifs
Banians ou banyans sont des figuiers considérés comme sacrés; on les trouve sur chaque site.
Table des sacrifices humains avec son tiki gravé. Le cannibalisme rituel était pratiqué pour accroître sa "mana" en mangeant son ennemi et en conservant son crâne. En l'absence de métal, les os servaient également à fabriquer des outils. On retrouve également dans l'enchevêtrement des racines des banians les corps ou les crânes des anciens dignitaires des tribus
Lors de notre marche, nous sommes pris en stop sur quelques centaines de mètres par
John Fui un marquisien retraité du service des armées. Il nous invite
à nous arrêter lors de notre marche retour…
Après la visite du site, la pluie nous rattrape et nous
oblige à nous mettre à l'abri sous un goyavier, face à la plage. Là, nous avons la surprise de voir John qui se présente avec sa
voiture; il nous cherchait car il ne nous avait pas vu repasser et pensait que
nous marchions sous la pluie.
Il nous invite à prendre un verre chez lui, une cabane de bois posée sur des pilotis en béton de 20cm, dominant l'anse, qu'il est en train de construire depuis le mois de juillet. Le repas est prêt et il nous propose de le partager avec lui : salade tahitienne, poulet et riz… il parle, nous écoutons et relançons de temps à autre la conversation; il se remémore ses 15 ans d'armée passés en Métropole , le service militaire, son travail de videur en boite de nuit et dans les travaux publics, sa femme et ses 4 enfants , la pratique de la chasse, de la pêche, le contact avec les anciens, les jeunes, les "réré", la culture marquisienne, la religion, les tatouages… sa vie... Un rencontre intense et un moment de partage, tout en gentillesse. Donner sans recevoir, nous n'avions plus l'habitude de telles pratiques. Dans notre conditionnement occidental où la peur de l'autre est nourrit par une société anxiogène, notre premier réflexe sera la méfiance... je m'en excuse auprès de Fiu. Une parcelle d'humanisme et de fraternité qui combat ma misanthropie naissante. Il prend son 4X4 pour nous raccompagner et nous fait visiter la caserne des pompiers et le port, lieu de ravitaillement de l'île par l'Aranui, un cargo mixte ; le village est connu comme port de transit des voiliers en provenance de Panama ou de Valparaiso, après 26 jours de traversée pour rejoindre Tahiti. Nous nous asseyons sur la jetée pour finir de discuter au crépuscule… Une bonne journée de passer clamera t'il.
Lors de notre déambulation dans le village, nous flânons jusqu'au village
artisanal où nous discutons longuement avec les polynésiennes qui tiennent les
étals. Le rythme s'abaisse aux limites de l'immobilisme, le temps mécanique devient humain par l'échange et le dialogue. Nous sommes les seuls touristes.
Peinture sur tapa,
colliers de coquillages, d'os et de perles, sculpture sur bois de tiki et d'un
bréviaire animalier, paréo en coton peint
la main, sculpture en tuff rouge et pilons en lave grise, production
locale de miel, de vanille, de monoï… En contre-bas, le village s'étire, lentement ; seuls les
pick-up 4x4, en circulant sur l'unique voie de communication bétonnée, et les chants des coqs transgressent l'indolence de l'instant.
Marae reconstruit à la faveur du festival des marquises de décembre 2015, Hiva Oa
Au menu langouste pêchée du jour
Nous attendons notre
guide pour la journée , prénommé Umu, comme lui dise les pakéha, les blancs ou
Denis comme l'appelle ses collègues marquisiens ou tahitiens. Chaque enfant se voit doté d'un nom marquisien et d'un nom de baptême chrétien. 200 ans de prosélytisme religieux.
Il est marié, père de 3 garçon et accuse 33 ans ; ses traits sont typiques des marquises et il arbore des cheveux long , noirs, ondulés, et des tatouages tribaux sur les bras et les jambes. En costume traditionnel et monté sur un cheval brun, lors du dernier festival des îles marquises, il fait son effet …Il est en passe de remonter un club de plongée... entre autres activités, car pour survivre, tous les îliens pratiquent plusieurs activités. L'insularité pousse à l'universel.
Domicile de Umu
L'objectif est de rejoindre le sud de l'île et le site archéologique de Puamau par une piste serpentine de 42 km traversant le centre par le col de Tapeata, à 800m d'altitude, pour finir en décroché de falaises jusqu'à notre étape finale.
Hiva Oa n'est pas conforme à l'image touristique de la Polynésie; sa beauté réside dans l' authenticité de ses décors et de ses habitants . Des pirogues à balanciers multicolores assoupies face à la mer, ses plages de sables noirs et de galets contre lesquelles l'océan, obstiné, s'acharne; ses surfeurs de fin d'après-midi prenant des vagues de plages; ses petits villages agricoles de vallée, bouquets de centaines d'âmes; ses falaises de tuff noir et rouge plongeant dans l'océan, ses chèvres et boucs sauvages égrainant la falaise de tâches de couleur blanche, marron ou noire; ses chevaux sauvages, près de 600 recensés, issus du croisement entre des chevaux andalous et des chevaux chiliens dont certains, dans l'attente d'être débourrés, sont encordés en bord de route pour habituer l'animal au passage des véhicules et à l'activité humaine; ses plantations de pins introduites sur les étages supérieurs pour favoriser la pousse d'une végétation arborée sur un sol dominé par les fougères et les pandanus.
Au col, le vent remonte la pente chargé de brume ; la visibilité de la côte nord est réduite à un champ de coton.
Les pluies torrentielles dévalent les pentes et provoquent des éboulements
Les chèvres sauvages s'accrochent aux falaises; le chasseur, depuis son embarcation n'hésite pas à tuer le caprin au fusil, dans la verticalité, et à récupérer son corps à l'issue de sa chute dans l'océan.
La chèvre au lait de coco est un plat typique. Préparée ainsi, la viande est tendre et son goût n'est pas fort comme on pourrait le subodorer.
Le coprah est la chair blanche (albumen) séchée de la noix de coco. Il sert essentiellement à la production d'huile rentrant notamment dans la composition de l'huile de monoï. Le coprah payé 1€ le kilo est une véritable activité de soutien à l'économie locale, chaque homme pouvant faire en moyenne 10 à 12 sacs de 60 kilos par mois. Ici pas de chômage ou RSA, le salaire minimum provient d'un travail ... une pratique à méditer. L'importance du cocotier dans l'aire pacifique est primordiale : réserve d'eau, nutriment, huile, usage du bois pour les pirogues, bois de chauffe, couverture de palme, lait de coco en cuisine traditionnelle... une utilisation vitale. De plus, sa noix extrait de sa drupe, se reproduit facilement en milieu salin et sec.
Séchoir à coprah
L'île c'est d'abord l'océan , omniprésent par ses ressources halieutiques, et connu pour ses poissons de hauts fonds, marlin et mérous pouvant atteindre les 150 kg. Attention cependant à la "gratte", une intoxication alimentaire liée aux chairs contaminées des poissons provenant d'une micro-algue toxique qui se développe sur la corail mort. Les poissons végétariens et carnivores de récifs sont touchés par l'intoxication.
Pirogues à balancier utilisée en pêche vivrière
Les langoustes présentes en grand nombre mais dont la période de protection ne dure que 4 mois parait insuffisante à notre hôte.
Pour ouvrir une noix de coco , 2 étapes : retirer la drupe, la coque extérieure verte ou jaune, en la fendant avec un branche d'arbre taillée en biseau; une fois ôtée, la noix apparait ; en tapant dessus avec le dos d'une machette en la faisant tourner dans la main gauche, la coque finit par se fendre en deux.
Une fois bu l'eau de coco, à l'aide d'une herminette ou siège à coco, on râpe la pulpe. On mets la pulpe dans un chiffon mouillé, on presse et on obtient le jus de coco blanc servant de base à la cuisine locale : salade de poissons crus, chèvres, flan au coco… Le repas préparé par Umu est composé d'une excellente salade tahitienne suivie de mangues , bananes, avocats à la peau jaune-verte, caramboles jaunes, … et le fruit de l'arbre à pain cuit au feu de bois.
On se gare dos à la mer avec les voitures pour que les embruns ne pénètrent pas le radiateur… et ainsi rallonger la durée de vie des véhicules
La variation des vents dominants oscille entre une saison à dominante sud-est et une autre à dominante nord-est; ici on parle de la saison des galets ou la saison des plages; en effet sous l'action des courants et de la marée, le sable est déplacé par la mer; sous le vent dominant, la plage est de galets
Nos discussions nous amènent sur des terrains divers. Usage des cheveux longs chez les hommes et les femmes car en l'absence de tissage, on tressait les cheveux pour la confection de fils et de bijoux ou
afin de lester l'hameçon sur une pierre pour la pratique de la pêche à la traine; L'impact des missionnaires protestants et catholique sur la culture et la religion païenne. La faune sous-marine avec le passage des baleines, orques, raies manta, requins marteau. La pêche à la langouste, thon jaune, tazard, bonite, mahi-mahi… La chasse du cochon sauvage au couteau et avec les chiens , un croisement entre sanglier et cochon domestique dont le nombre de petits par portée permet un prélèvement cynégétique important . L'art du tatouage et la spécificité du tatouage marquisien; le retour aux sources, thème du dernier festival culturel des îles marquise, avec ses quelques 3000 participants dont il fut le président; la pharmacopée...
afin de lester l'hameçon sur une pierre pour la pratique de la pêche à la traine; L'impact des missionnaires protestants et catholique sur la culture et la religion païenne. La faune sous-marine avec le passage des baleines, orques, raies manta, requins marteau. La pêche à la langouste, thon jaune, tazard, bonite, mahi-mahi… La chasse du cochon sauvage au couteau et avec les chiens , un croisement entre sanglier et cochon domestique dont le nombre de petits par portée permet un prélèvement cynégétique important . L'art du tatouage et la spécificité du tatouage marquisien; le retour aux sources, thème du dernier festival culturel des îles marquise, avec ses quelques 3000 participants dont il fut le président; la pharmacopée...
Le sujet majeure de discorde reste comme ailleurs le problème du foncier . La terre appartient à 70% à des particuliers dont les missions catholiques , et à 30 % au territoire. Par exemple, il n'y a pas de route qui fait le tour de l'ile, les 16 propriétaires fonciers refusant qu'on traverse leurs terres . Le coût de l'énergie électrique produite par groupes électrogènes ou turbine hydroélectrique est élevé.
Site archéologique de Lipona à Pumau.
Les tiki , représentation tutélaires anthropomorphiques
Lipona est un site archéologique magnifique avec ses tikis géants et son tiki féminin allongé dont la base monobloc contient une énigmatique gravure d'animal de type lama ou chien ? un mystère scientifique qui enflamme et est sujet à toutes les supputations.
Le marae renforce la force du clan , son mara collectif ou individuel
La société marquisienne pré-européenne était polyandrique : il y avait plus de d'hommes que de femmes. L'évangélisation chrétienne a été fondée en annihilant les pratiques ancestrales allant jusqu'à construire des édifices religieux sur de lieux sacrés ; positif pour la pratique du cannibalisme mais dévastateur pour les tikis, dont très peu ont survécu et pour l'art du tatouage ; heureusement la transmission s'est poursuivie par les contes, les chants et les danses, les pratiques vivrières de la chasse et de la pêche à la traine. L'oralité augmente la fragilité de cette mémoire culturelle marquisienne.
Le site archéologique est une propriété privée, incroyable compte tenu du patrimoine supposé!
tiki féminin, horizontal
Dans la mythologie ou l'histoire des rites funéraires, le défunt était embaumé dans des feuilles de tapa , mis sur une pirogue et envoyé en mer sous le regard des ancêtres symbolisés par ses statues anthropomorphes de tuff rouge ou noir , les tikis.
Nous piquons une tête dans des vagues qui par moment triplent ma hauteur et s'aplatissent en écume bouillonnante.
Dernier arrêt à hanaiapa, village de bord de mer enfilé le log d'un ru avec ses cocoteraies, ses arbres fruitiers, citronniers, manguiers, orangers, papayer, goyavier… A la tombée du jour, le noir de nuit est encore bleu pétrole, des jeunes s'exercent au surf sur des rouleaux de 2 à 3m …
Le ciel est chargé
et bas sur les hauteurs dont il efface les cimes. J'entame une course à pied
vers le port d'Hiva Oa; une trentaine de militaires, femmes et hommes, marqués du sceau du SMA ( service militaire
adapté) reconnaissable aux lettres blanches sur fond noir gravés sur leur
tee-shirt courre en sens inverse. En groupe, le sentiment d'unité est renforcé
par leur tenue similaire. La pluie se mets à tomber, cinglante et généreuse,
j'arrive trempé à notre chambre.
Le musée Gauguin
jouxte,en centre de village, le hangar d'exposition consacré à Jacques Brel.
Deux destins réunis désormais pour toujours aux Marquises, où chacun est venu y
trouver sa part de vérité ; un retour à la nature , la pratique de l'art pour
l'art pour Gauguin, un espace éloigné de
la sphère médiatique, simple et vrai, pour Brel. Les deux y mourront chacun
dans leur maladie. Deux êtres à fleur de peau…
Les œuvres exposées
sont toutes des copies mais l'exposition a le mérite de retracer l'ensemble de
la vie de Paul Gauguin à travers des reproductions de l'ensemble de ses
peintures classées par époques, par des copies de correspondances adressées à
sa femme Mette ou à ses amis. Quelques sculptures sur bois complètent la
visite.
Paul Gauguin
Artiste au travail
La maison du jouir, baptisée ainsi en rébellion à l'autorité cléricale
A l'issue, nous pénétrons dans un jardin où a été reconstruite sa case d'habitation et d'atelier sur le terrain exact où elle fût érigée fin du XIXème siècle. C'est une maison de bois sur deux niveaux protégée par une toiture à double pans en palmes. L'atelier de l'artiste et son lieu de vie sont situé à l'étage. Afin de s'opposer aux missionnaires avec lesquels les relations sont tendues, il la nomme la maison du jouir. Un puits y fût creusé côté sud pour lui permettre de garder au frais son eau et son absinthe, sa boisson favorite. Peintre mal aimé et maudit il meurt de la misère en ayant toujours chercher à s'extraire du monde civilisé pour un retour à la nature, à une pratique naturel de l'art. Gauguin est un grand voyageur ce qui l'a amené de Panama aux Antilles, en Bretagne , en Arles où il côtoie Van Gogh où leur passion conduira à l'épisode de l'oreille coupée, Tahiti et les Marquises…
Puits creusé au pied de la maison du jouir avec système de balancier
qui permettait de conserver l'eau et l'alcool au frais
A l'extrémité ouest du parc, un portail donne accès à un hangar métallique de couleur jaune. La voix de Jacques Brel précède notre entrée. Son avion, un beechcraft 50 dénommé Jojo occupe l'espace central ceint d'une corde reliant des panneaux explicatifs sur sa vie. Sur les quatre faces opposées, des panneaux mettent en valeur des extraits de textes choisis autour de photographies du "grand Jacques", zaké comme le surnommait les marquisiens. Touchant et quelle leçon de simplicité...
Ravitaillement tous les 15 jours de l'îles par fret maritime . L'Aranui 5 est un cargo mixte, passager /fret, qui dessert les tuamutu et les marquises à rythmes réguliers depuis Papeete. C'est l'évènement bihebdomadaires, l'île est en effervescence. Un véritable cordon ombilical
Nous décollons de
l'aérodrome dans un avion de 19 places à hélice; il relie les îles de Pu Amu et
de Nuku Hiva notre destination. A l'arrivée, nous
attendons un autre couple de touristes
pour une heure de transfert en véhicule tout terrain à travers l'île;
l'aéroport se situe à l'opposé de la baie de Taiohae, destination finale de
notre escale. Le temps est maussade ;
une forte pluie et un brouillard permanent accompagne notre traversée : dommage
car les paysages doivent être à couper le souffle après une ascension jusqu'au col, la route fend un plateau stabilisé à une altitude de 600m pour ensuite
plonger en épingle jusqu'au bord de mer dans un environnement d'arêtes et de
pics de basalte noir.
La fin de la vallée s'ouvre sur une baie grandiose malgré le crachin grisâtre. Elle est cintrée en un arc de cercle presque fermé cernée sur son pourtour d'une crête d'un ancien cratère volcanique. L'ouverture sur l'océan est encadrée de deux pics appelés les sentinelles. Notre hôtel constitué de bungalows en bois offre une vue panoramique sur ce paysage de carte postal. Nous espérons que 3 jours permettront au soleil de s'extraire du couvercle nuageux et nous permettre d'approfondir l'île.
se mettre au vert
La nuit fût agitée
par une pluie intense et battante sur les bardeaux de la toiture du bungalow.
Au petit matin, je récuse l'horaire du réveil matinal, recourbé en chien de
fusil pour approfondir mon sommeil.
William," notre
guide" nous attend à 10h00 pour faire la visite du centre-ville, son
centre d'art artisanal, sa mairie, son centre de détention érigé dans une
ancienne bâtisse de pierre , de forme carrée, où l'amiral Se réunissait avec
ses officiers, son site archéologique ancien marae reconstitué, son collège et
son musée, historique tenue par une américaine Rose, tombée sous le charme de
l'île depuis 40 ans et ancienne propriétaire de l'hôtel.
club nautique
cimetière catholique
Baie de
La présence du guide vaut tout à la fois par ses explications sur la culture marquisienne pré-européenne que sur la vision actuelle des marquisiens. William fait parti d'un groupe de danseur. Comme Umu, il récuse la religion catholique, son impact sur la vie quotidienne et son rôle dans la suppression d'une partie de la culture marquisienne. On ressent un clivage entre une société post-colonialisme axée sur la religion chrétienne et une jeunesse souhaitant renouer avec ses traditions et ses origines… Un festival des marquises a été créé en ce sens, une académie et une bataille gagner pour imposer les dialectes marquisiens à l'école contre la volonté de Tahiti d'imposer ses dialectes. Il émerge une identité marquisienne différente de l'identité tahitienne.
Cathédrale
Par ailleurs l'ensemble du gouvernement est basé à Tahiti où chaque ile est représentée par des édiles, suivant les archipels. L'ensemble des subsides de l'Etat français transitent par Tahiti avant d'être réparti sur l'ensemble des archipels. A l'époque du potentat de Gaston Flosse, le maire de Taiohae a disparu dans les Tuamotu lors d'un accident d'avion; de même pour un journaliste . Ici aussi doivent régner clientélisme, népotisme, tensions entre îles, retour identitaire, positionnement du religieux ( 90% de catholiques aux marquises), domination pour le contrôle de la terre. Je me sens poisseux , par la chaleur moite, mais pas seulement… Je hais les Hommes! et je ne suis pas sur que Hobbes avait raison ( L'homme est naturellement bon , c'est la société qui le corrompt)
La chaire l'édifice est construit avec les pierres de chaque île des Marquises
A proximité d'une zone de baignade...
Marae
William nous fait part de ses connaissances en pharmacopées : tubercules racinaires des fougères contre le mal de tête, 5 pousses de la longueur d'un doigt broyés puis mis en décoction dans un foulard autour de la tête; autant de principes actifs que dans un doliprane.
L'arbre à coton , le kapok ? , dont la gousse fournit un coton non tissé, de rembourrage, dans lequel il faut retirer la graine qui attire les rats fruitiers, l'arbre à savon dont l'amande comestible, le bacoul, devient transparente avec le temps et servait de bougies : 26 amandes piquées sur une brochette de bambou permettait un éclairage d'une durée d'environ 4h . Le banian est un arbre sacré que l'on retrouve dans chaque site archéologique; les os des défunts y étaient entreposés.
Selle en bois pour la chasse à cheval en montagne
Pirogue double pour l'exploration en haute mer
Pilon, tiki en bois de rose et tête d'herminette
Le cannibalisme est une pratique qui a existé avant l'arrivée des missionnaires dictée, il faut bien la justifier, par une nécessité de satisfaire les besoins de premières nécessité. Il n'existait pas de mammifères; seule la mer fournissait les protéines. On mangeait les morts issus du peuple, on utilisait les os pour la fabrication d'objets…; de plus, manger le corps d'un ennemi , c'était s'approprier son mana, sa force, tout en agrandissant le sien
Il existait une hiérarchie sociale très forte dans la société marquisienne : les sages et politiques, les prêtres, les experts, les guerriers, le peuple…
Marquisien de Hiva Oa reconnaissable aux deux chignons, un pour Nuku Hiva
William est inquiet pour l'avenir de ses enfants … ici aussi le manque de perspectives nourrit les plus sombres pessimismes et accentue un renfermement sur soi. Il se plein également de la "fainéantise" de ses compatriotes; lui ne tombe jamais malade, certains de ses compatriotes touchent le RST , sécurité sociale locale et ne travaillent pas... toujours le même débat...
Services de l'Etat
L'excursion
initialement programmée est annulée en raison des conditions météorologiques
défavorables; en gros, il pleut à verse. Nous nous replions sur la cathédrale
en cette journée dominicale où les paroissiens se rendent en majorité à la
messe matinale. Empruntant les vélos tout terrain mis à disposition par
l'hôtel, sous la pluie, nous arrivons sur la place centrale pavée; les derniers
pratiquants quittent l'office et se pressent déjà dans leurs pick-up. Il est à
peine 9h00. Nous remontons la ligne courbe de la baie jusqu'au port. Une
"roulotte" est ouverte; sous ses chapiteaux de toile cirée blanche,
des propriétaires de voiliers ou de catamarans en mouillage saisonnier sont
afférés à leurs ordinateurs ou téléphones
portables, un café à la main, assis sur leurs chaises plastiques. Même
ici, au bout du monde, l'offre commerciale d'un wifi gratuit concentre les
chalands. De l'autre côté de la tente, une marquisienne prépare un repas, un
autre ajuste sa guitare et un troisième active le feu dans lequel cuit des
fruits de l'arbre à pain… tout un contraste.
Balade seul vers la baie des Colettes, Mimi ayant préféré restée à l'hôtel. Après une montée vers un col, le chemin clôturé plonge à travers un forêt d'acacias; la chaleur dilate les pores ; la sudation se joint à l'humidité saturée pour former un ruissellement permanent que le coton imbibé du tee-shirt ne peux totalement absorber.
Un troupeau de bovins limousins mené par un énorme taureau pait sur le chemin . Un touriste est assis sur une pierre. Je le salue , il ne répond pas; je réitère, il insiste dans son mutisme… je respecte … à la remontée, je le dépasse et le laisse sur place sans un mot.
Paysages de littoral
Pamplemoussier
nuit de pleine lune
Nous
partons à la découverte de la côte nord traversant les vallées de Tapivaï et de
Hatiheu par une piste compactée endommagée par endroit, cahotant d'ornières en
gouttières; le véhicule tout terrain est indispensable.
Chaque vallée formait une microsociété composée de plusieurs tribus et souvent en commerce ou en guerre contre la vallée voisine. C'est de la vallée de Tapivaï que vivaient les redoutables guerriers cannibales Tapaï, héros du roman Typee de Herman Melville, un auteur américain du XIXème siècle qui a notamment écrit Moby Dick et Omoo.
L'histoire romancée raconte sa propre aventure où en 1842 , il déserte l'équipage d'un baleinier dans la baie de Taiohae pour s'enfuir à travers brousse. Il passera 2 semaines à leur contact. La vallée est formée par les parois d'une large caldeira qui s'effondre dans la mer pour renaître plus au sud vers une autre vallée sacrée, siège des plus hautes chutes polynésiennes. Comme un tracé au couteau dans une plaque de beurre. Entièrement dévolue aux plantations de cocotiers et au commerce de la coprah, plantés initialement par des travailleurs immigrés chinois puis exilés en Nouvelle Calédonie avec l'explosion de l'industrie du nickel. 400 âmes y vivent encore… au recensement, moins dans la réalité, les enfants étant souvent exilés pour leur étude ou leur travail.. Mais de ces chiffres dépendent les subventions du territoire et de l'Etat français.
Passage à gué de la rivière
cochons domestiques
eaux troubles des estuaires après la pluie
Petite fille du tatoueur de la vallée, également responsable de la production de coprah et du contrôle de sa qualité avant envoi à Papeete.
passage à gué et cochon
Nono ou pomme-chien aux jus antioxydant réputés et taro sauvage
vue panoramique de la vallée
ancien four polynésien
Banians l'arbre sacré
Une fosse à prisonnier de guerre
pae-pae, maison traditionnelle
circuit des pétroglyphes
Baignade et bière hinano de Tahiti, dunom de la fleur de pandanus et sponsor de la célèbre course de pirogue Hawaiki Nui Va'a. Une institution!
Anguilles d'eau douce
images gravées
Transfert
vers Tahiti. En ce dernier jour aux Marquises, nous quittons Nuku Hiva comme nous l'avons abordée, sous
une pluie diluvienne : le charme a agit et le cœur bat posément.
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